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  • Photo du rédacteurLes Gardiens du Temple

Cracovie | 24-29 juin 2019

Dernière mise à jour : 15 juil. 2019

A peine 15 jours après la fin du Crowdfunding, nous voilà déjà à Cracovie pour couvrir la 29ème édition du Festival des Cultures Juives de Cracovie et suivre l'engagement de Janusz Makush.

Rencontre avec Marta, juive de Cracovie et participante à "Ride of the Living" à Auschwitz

Jour 1

Pensant fuir la canicule en France, nous arrivons dans une Cracovie ensoleillée et étouffante.

Dès notre arrivée, nous sommes frappés par la douceur de vivre qui émane du quartier de Kazimierz, l’ancien quartier juif de Cracovie.

Sur quelques rues, pas moins de 7 synagogues, entourées de bars branchés à la déco très étudiée. Depuis quelques jours, le Festival des Cultures juives bat son plein. C’est justement son créateur qui nous accueille, Janusz Makush était seul il y a 31 ans à croire à un tel événement. Il est notre Gardien du Temple.



Janusz Makush s'adressant aux volontaires du Festival des Cultures Juives de Cracovie

Il nous salue joyeux, mais très occupé par les mille et une représentations officielles que lui impose sa fonction: rencontre avec les sponsors, discours, entrevues avec des politiciens de tous bords.

En quelques heures, nous prenons conscience de l’ampleur du festival et de sa richesse. Le programme est d’une qualité et d’une densité rares: lectures, concerts, ateliers, projections, visites thématiques. De 9 heures à 23 heures, tous les jours, le cœur de Cracovie bat au rythme de l’héritage juif du quartier, avec comme poumon central sous une tente dressée sur une des places du quartier.

Très peu de sécurité et une atmosphère bon enfant nous feraient presque oublier ce qui s’est déroulé il y a 75 ans dans ces rues.

Dans la librairie d’une ancienne synagogue transformée en musée, nous tombons sur un livre intitulé “The Lost World” lui même posé à côté de “The Return of the Jews”; le décor est planté.

Après avoir dégusté un houmous polonais mais néanmoins délicieux, nous préparons le matériel et nous rendons au JCC, le Jewish Community Center pour suivre une conférence sur les femmes juives de Cracovie. La salle est pleine. Des femmes aux profils très différents mais toutes juives, s’y expriment.

Le JCC est un bout d’Amérique en plein Cracovie. Nous comprenons vite qu’il est financé et dirigé par des Américains, descendants de Juifs polonais ayant échappé à la Shoah. Très vite, se dessine une guerre de clocher pour savoir qui sera le porte-étendard du renouveau juif à Cracovie: est-ce Janusz, non-juif, et son festival ? Le JCC, ou le mouvement Loubavitch?


Nous retrouvons ensuite Janusz, notre Gardien du temple, à la Synagogue Temple. Ce soir, c’est un groupe de Klezmer, venu d'Israël, qui est à l’affiche.

Il fait une chaleur insupportable. La prestation magnifique du groupe fait monter de quelques degrés la température. Le public est debout, l'émotion est grande...ce n’est que le début.


Jour 2

Nous retrouvons Térésa tôt le matin. Elle est notre fixeuse, c'est-à-dire en jargon journalistique la personne locale qui connaît le terrain et va nous aider avec la langue, mais aussi avec la compréhension des situations. Toujours dans une chaleur étouffante, nous décidons de suivre une visite, en polonais, du Podgorze, un quartier qui fut le Ghetto dans lequel les Juifs de Cracovie ont été parqués avant d'être envoyés dans les camps de la mort.

C’est d'ailleurs à l'endroit où ils étaient regroupés que commence la visite. A la place de ces 67 000 âmes, des chaises vides viennent symboliser leur absence.


Alexandra, 27 ans, étudie les archives juives à l'Université de Cracovie.

Parmi les participants à la visite, se trouve Alexandra. Elle a 27 ans, est catholique et travaille quotidiennement sur les archives concernant les Juifs de Cracovie. Elle incarne cette génération née dans les années 90, après le communisme, qui a commencé à s’intéresser au passé de sa ville, un passé indissociable de sa population juive décimée.


Nous retrouvons ensuite Janusz, aussi insaisissable qu'épuisé, c'est le 6ème jour du festival et l'homme est très occupé, donc difficile à suivre. Il nous embarque avec lui à la rencontre de l'artiste du soir. Surprise: ce soir, pas de Klezmer, mais un concert de musique orientale porté par la diva Israélo-marocaine Raymonde Abecassis. La rencontre est chaleureuse. Elle se dit très émue de chanter dans cette synagogue où "Les murs parlent". Elle promet de chanter pour ceux qui habitaient le quartier.

Et elle tient sa promesse. Une énergie folle se dégage de ce concert hors du commun. Le public est debout, les sons d'Orient raisonnent dans cette ancienne synagogue ashkénaze, les musiciens sont israéliens... Le peuple juif, à 60 km d’Auschwitz, montre toute sa diversité et sa vitalité.


Jour 3

Pour ce troisième jour de tournage, nous décidons d'enquêter sur l'industrie du tourisme juif dont on nous a tant parlé. A Kazimierz, les petites voiturettes animent les rues pavées du quartier. Les chauffeurs, non-juifs, se contentent de conduire. Les touristes écoutent les descriptions du quartier enregistrées dans toutes les langues. Arthur, propriétaire de cinq voiturettes, reconnaît volontiers que les affaires vont bien.

Partout dans le quartier s’affichent des bars et des restaurants “jewish style” tenus par des non-juifs. Une nourriture inspirée d’Israël ou des traditions ashkénazes sans être casher.


Arthur, qui vit du tourisme à Cracovie, Anthony et Teresa

Même si le business est dirigé par des non-juifs, il existe selon Arthur, une vraie vie juive dans le quartier. 

Son job lui a aussi permis de connaître l’histoire des Juifs de son quartier. Jeune, la Shoah, les pogroms, tout cela lui était indifférent. Quand il a pris connaissance des détails historiques, il a eu “un choc” admet-il. Accepterait-il de voir des Juifs eux-mêmes diriger des restaurants ou des voiturettes dans Kazimierz ? “Bien sûr,” répond-il. 

75 ans après la Shoah, dans une ville où 98% des Juifs furent assassinés, cette mode du “Jewish style” laisse une impression étrange. Est-ce un progrès, une manière de rapprocher les Polonais de la culture juive, un prologue finalement à la renaissance d’une véritable communauté juive, ou est-ce juste une exploitation touristique cynique, portée par les 2 millions de visiteurs annuels d’Auschwitz ? 


Jour 4

Depuis deux ans a lieu la "Ride for the Living". Une course de vélo entre le camps d’Auschwitz-Birkenau et le centre communautaire juif de Cracovie. Inspiré par un jeune Anglais, Robert Desmond, qui a rejoint le camp de concentration depuis l’Angleterre en 2017, cet événement caritatif veut symboliser le renouveau du Judaïsme à Cracovie. Organisé par le JCC, cette course qui accueille une majorité d’Américains, est un événement destiné à financer l’avenir de la communauté juive américaine. 

Ce fut pour nous deux, une première fois à Auschwitz.

Arrivés à 7 heures du matin, nous découvrons le camp vide. Le poids de l’incompréhensible, les images documentaires qui reviennent en tête avec un filtre de réalité… Obligation de vite se reprendre et de filmer, derrière les barbelés, des cyclistes…

Une étrange ambiance de kermesse, un peu comme si le Tour de France faisait étape entre deux miradors. Puis les paroles des cyclistes, de Robert Desmond et de Marta, une juive polonaise de Cracovie, nous ont fait réfléchir.


Rudy et Marta, juive de Cracovie qui participait à sa première "Ride for The Living"


Pour Marta, mère de deux enfants, l’avenir est devant, la vie est plus importante. Elle veut un futur pour ses enfants. Si l’ombre d’Auschwitz plane toujours sur Cracovie, et qu’elle souhaite toujours commémorer ce qui fait partie de son histoire, elle veut aussi montrer à ses enfants que rien ne s’arrête pour autant, que la vie est plus importante. Finalement, c’est un précepte central du Judaïsme, la vie doit toujours être plus forte.


Des rencontres, de la bienveillance, une réalité complexe. Voilà ce que nous retiendrons de ce premier tournage assez éprouvant et riche en rencontres.

Il nous faudra quelques semaines pour faire le tri des émotions ressenties lors de ces 4 jours...avant de revenir à Cracovie, l'hiver prochain.


Rudy Saada et Anthony Lesme
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